Fargo, LA mini-série à découvrir

Après l’énorme enthousiasme suscité par True Detective, une nouvelle mini-série (ou anthologie ?) a fait parler d’elle sur le câble US et bien que l’engouement soit resté nettement plus limité lorsqu’on le compare à la folie qui a entouré la mini de HBO, pour ma part, j’ai pris beaucoup plus de plaisir devant Fargo que devant la série construite autour de Matthew McConaughey et Woody Harrelson.

Alors que True Detective emportait surtout l’adhésion avec son duo de comédiens et son esthétique fascinante magnifiant la Louisiane, Fargo parvient à faire de même dans un État nettement plus froid à savoir le Minnesota.
A mon sens, Fargo se distingue vraiment en nous offrant une galerie de personnages d’une richesse évidente qui constitue un univers nettement plus dense que ce que nous avait proposé l’anthologie de HBO qui misait beaucoup (trop ?) sur ses deux stars au point de transformer ses personnages périphériques en simples accessoires.

En effet, là où Nic Pizzolatto concentrait son intrigue sur l’histoire de deux flics1Et là, c’était un peu la question de l’œuf ou de la poule. Est-ce que Harrelson et McConaughey ont été choisis parce que le récit était ultra concentré sur leurs personnages ? Ou bien est-ce que le récit est à ce point centré sur leurs personnages parce que les deux comédiens étaient associés au projet ? Vous me direz, on s’en fout et vous aurez raison puisque le résultat final est le même., Noah Hawley – le showrunner de Fargo – fait preuve de nettement plus d’ambition en dressant un univers riche et complexe car, bien que la série repose également sur un duo de comédiens particulièrement brillant (en l’occurrence Billy Bob Thornton et Martin Freeman aussi impeccables l’un que l’autre), Fargo parvient à offrir de nombreux seconds rôles convaincants que ce soit au travers de la révélation Allison Tolman (qui devient d’ailleurs rapidement bien plus qu’un second rôle) que de Colin Hanks, Kate Walsh ou encore Keith Carradine mais la liste est loin d’être exhaustive.

Lester Nygaard (Martin Freeman) et Lorne Malvo (Billy Bob Thornton)
Lester Nygaard (Martin Freeman) et Lorne Malvo (Billy Bob Thornton)

En terme d’écriture, j’ai été assez fasciné par la manière dont les auteurs de Fargo ont construit les personnages incarnés par Allison Tollman (Molly Solverson) et Colin Hanks (Gus Grimly) comme de parfaits contraires de ceux campés par Billy Bob Thornton (Lorne Malvo) et Martin Freeman (Lester Nygard).
En effet, les personnalités de Lorne et Molly sont assez proches, tous deux sont brillants, rigoureux et totalement dévoués à ce qu’ils font. De la même manière, Lester et Gus sont deux grands timides, maladroits qui apparaissent au premier abord comme de parfaits losers.
Pourtant, Lorne et Molly, tout comme Lester et Gus n’en demeurent pas moins diamétralement opposés.

A côté de cela, True Detective apparaissait un poil2Notez comme je manie l’euphémisme ! Promis, après cet article, j’arrête j’essaie d’arrêter de dire du mal de True Detective ! ;) prétentieuse ce qui n’avait pas manqué de rendre son dénouement gentiment con-con particulièrement décevant (en même temps, il est toujours difficile d’offrir une conclusion satisfaisante lorsque l’on prend le chemin ultra-balisé du whodunit…).

Au contraire, Fargo a pu nous offrir une intrigue nettement plus organique en ne jouant pas la carte du mystère mais en se contentant de nous raconter une histoire finie sur 10 épisodes. C’était souvent drôle et glaçant à la fois, parfois étrange mais en tout cas toujours passionnant.
Et puis en terme de ton et d’atmosphère, j’avoue que c’est la toute première fois que je retrouve un petit air de Breaking Bad dans une série, je ne saurais trop l’expliquer mais la seule présence de Bob Odenkirk (le Saul Goodman de Breaking Bad et bientôt de Better Call Saul) ne suffit pas à provoquer ce sentiment. Peut-être est-ce tout simplement le fait que le personnage de Lester renvoie par bien des aspects à un certain Walter White

Fargo

Bref, si je ne nie pas que True Detective mérite le coup d’oeil, pour moi, la vraie surprise côté mini-séries3Bien que HBO essaie de nous faire croire que True Detective soit une série traditionnelle en la soumettant dans la dite catégorie pour les Emmy Awards, personne n’est dupe. A noter que Fargo a finalement décroché 18 nominations en étant présentée en tant que mini-série tandis que True Detective en a accroché 13 en tant que Drama traditionnelle. Quoi qu’il en soit, le fait que les deux minis ne concourent pas dans la même catégorie est vraiment une aberration totale ! du premier semestre 2014 est définitivement Fargo.

Bonne nouvelle, il semble que la mise en chantier d’une seconde saison qui transformera le projet en anthologie se confirme (en même temps, c’est tellement dans l’air du temps que cela ne devrait pas surprendre grand monde). Aux dernières nouvelles, Fargo reviendrait sur FX à la rentrée 2015.
Quoi qu’il en soit, les futurs projets de Noah Hawley sont à suivre de très près !

PS: En écrivant cet article, je n’ai ressenti aucun besoin de comparer la série au film homonyme des frères Coen, simplement parce que Hawley s’est bien gardé d’en faire une bête adaptation.
Au contraire, il s’est « contenté » d’en capter l’atmosphère si particulière pour nous raconter une histoire totalement inédite, un choix qui s’est avéré payant.

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    Et là, c’était un peu la question de l’œuf ou de la poule. Est-ce que Harrelson et McConaughey ont été choisis parce que le récit était ultra concentré sur leurs personnages ? Ou bien est-ce que le récit est à ce point centré sur leurs personnages parce que les deux comédiens étaient associés au projet ? Vous me direz, on s’en fout et vous aurez raison puisque le résultat final est le même.
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    Notez comme je manie l’euphémisme ! Promis, après cet article, j’arrête j’essaie d’arrêter de dire du mal de True Detective ! ;)
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    Bien que HBO essaie de nous faire croire que True Detective soit une série traditionnelle en la soumettant dans la dite catégorie pour les Emmy Awards, personne n’est dupe. A noter que Fargo a finalement décroché 18 nominations en étant présentée en tant que mini-série tandis que True Detective en a accroché 13 en tant que Drama traditionnelle. Quoi qu’il en soit, le fait que les deux minis ne concourent pas dans la même catégorie est vraiment une aberration totale !

Les anthologies, un nouvel Eldorado ?

Dans la foulée du succès de True Detective sur HBO, les anthologies ont le vent en poupe et il ne fait pas de doute que bon nombre de producteurs se demande en ce moment comment ils vont pouvoir surfer sur ce phénomène.

American Horror Story, un projet nettement plus foutraque, avait ouvert la voie en 2011, c’était après une petite pirouette puisque lors de son lancement la série n’avait pas été présentée comme une anthologie. C’est à quelques épisodes de la fin de la première saison que Ryan Murphy révéla que le season finale clôturerait totalement l’intrigue tandis que la seconde saison s’inscrirait dans un tout nouveau contexte.
Un peu plus tard, on appris que certains des acteurs (et notamment Jessica Lange) rempileraient la saison suivante tout en incarnant de nouveaux personnages ce qui constituait un bon moyen de conserver un minimum de lien à l’écran entre les différentes saisons (ce que True Detective ne devrait pas faire).

American Horror Story
American Horror Story – Saison 1

Dans le cas de True Detective, le format – forcément aidé par un budget que l’on devine très confortable – est ce qui a permis à HBO de s’attacher les services de comédiens aussi prestigieux que Woody Harrelson et Matthew McConaughey (Oscarisé cette année1Matthew McConaughey a obtenu un Oscar mérité pour son rôle dans Dallas Buyers Club mais on peut se demander dans quelle mesure le buzz autour de sa prestation dans True Detective a pu peser au moment des votes.).

McConaughey2La prestation de Harrelson est également très convaincante mais son rôle de passif-agressif est nettement moins spectaculaire que le Cohle incarné par McConaughey. et son interprétation magnétique de flic tourmenté ont vraiment été au cœur des discussions durant toute la saison et ont beaucoup joué dans l’adhésion publique et critique3Le principal reproche que l’on peut formuler à True Detective concerne le caractère assez unidimensionnel de ses personnages secondaires. que la série a très vite emporté. Il est évident qu’un tel coup en terme de casting n’aurait pas été possible sur une série traditionnelle qui aurait engagé ses comédiens sur plusieurs saisons.

Si HBO n’a pas encore confirmé la mise en chantier d’une seconde saison, Nic Pizzolatto – l’auteur – ne se gêne pas pour en aborder les grandes lignes au détour d’interviews et on imagine que la chaîne Premium attend surtout d’avoir un casting cinq étoiles à annoncer pour officialiser ce qui n’est à l’évidence qu’un secret de polichinelle.
A moins que ce ne soit une autre des qualités aveuglantes de la première saison qui concentre les efforts de HBO à savoir la réalisation. En effet, Cary Fukunaga a annoncé qu’il ne poursuivrait pas l’aventure la saison prochaine en tant que réalisateur4Cary Fukunaga sera producteur exécutif sur la seconde saison ce qui lui assure un gros chèque mais ne garantit nullement son implication réelle. et il faut lui trouver un successeur.
HBO a vraiment une carte à jouer, le succès de la série devrait lui permettre d’attirer encore plus facilement des comédiens de haut vol et pourquoi pas un grand réalisateur ou à défaut plusieurs mais cela s’éloignerait de l’approche prise sur la première saison durant laquelle Fukunaga a vraiment apporté sa vision et ses choix5Paradoxalement, c’est son plus gros morceau de bravoure technique qui me laisse le plus perplexe avec le recul. En effet, son plan séquence de 6 minutes dans l’épisode 4 a beau être une sacrée prouesse, il reste finalement assez vain bien qu’il illustre parfaitement le budget luxueux dont la série a bénéficié..

Quoi qu’il en soit, la vraie difficulté pour Pizzolatto et HBO est qu’ils se trouvent aujourd’hui au pied du mur en ayant absolument tout à reconstruire pour une nouvelle saison. Une nouvelle saison qui sera très attendue suite au succès de la précédente.
Si True Detective s’inscrit vraiment dans la durée, Pizzolatto va se retrouver tous les ans devant une page blanche, espérons qu’il supporte bien la pression…

Nouvelle vague d’anthologies, réinvention de la mini-série ou simple passade ?

Historiquement, les anthologies à la télévision étaient généralement une succession de récits unitaires autour d’un genre particulier, majoritairement le Fantastique ou l’Horreur (La Quatrième dimension, Les Contes de la crypte ou plus récemment Masters of Horrors) mais parfois également le Polar (Alfred Hitchcock présente).

La Quatrième dimension
La Quatrième dimension

La particularité de la nouvelle vague qui s’annonce est que les récits sont étalés sur plusieurs épisodes, ce qui les rapproche finalement d’une autre catégorie télévisuelle assez traditionnelle : les mini-séries6C’est d’ailleurs dans les catégories relatives aux mini-séries que FX a proposé American Horror Story aux Emmy Awards..

En étant un tout petit peu cynique, on pourrait se dire que la structure de True Detective n’est rien d’autre qu’une réinterprétation opportuniste du genre de la mini-série.
Assez étrangement, jusqu’à présent, l’écrasante majorité des mini-séries étaient conçues comme des projets one-shot et leur degré de succès n’y changeait rien. On peut aisément imaginer que cette approche va changer et que les producteurs se poseront dorénavant toujours la question de savoir si leur concept de mini-série a le potentiel d’être transformé en anthologie.
A moins que l’effet ne soit plus profond encore et que les producteurs ne viennent à favoriser les projets pensés comme des anthologies potentielles au détriment de mini-séries plus traditionnelles.

La mini-série Band of Brothers
La mini-série Band of Brothers

On pourrait ensuite se demander si ce nouveau format pourrait prendre de l’importance par rapport aux séries classiques dont les intrigues s’étalent sur plusieurs saisons.
Une telle hypothèse me semble hautement improbable car si ce nouveau format est séduisant sur le papier, il reste néanmoins très loin d’être une garantie de succès.
Si l’indépendance des intrigues peut se révéler être un atout lorsqu’il s’agit d’attirer de nouveaux aficionados quand une nouvelle saison commence, cela peut vite devenir un sérieux handicap en matière de rétention des téléspectateurs, car si on pardonne volontiers un passage à vide dans une série dans laquelle on s’est véritablement investie7La plupart des fans de Dexter ont détesté les dernières saisons de la série, mais ont néanmoins regardé la série jusqu’au bout… On pourrait sans doute dire la même chose de How I Met Your Mother. Deux exemples qui illustrent bien la grande force du format classique de séries TV qui en cas de succès parvient à créer un lien extrêmement fort et durable avec le téléspectateur., c’est nettement moins évident lorsqu’il s’agit d’une anthologie.

American Horror Story a subi ce phénomène en saison 2 avec un effritement significatif de son audience. Ceci dit, cela n’a pas empêché la troisième saison de la série d’afficher de très bons scores.

Du point de vue du téléspectateur, l’anthologie offre la garantie d’obtenir une intrigue complète, mais sur les chaînes du câble (qui sont pour le moment les seules à se livrer à l’exercice), cela ne change pas grand chose puisqu’il est vraiment rare que ces dernières ne laissent une série totalement inachevée pour la simple raison que leur mode de production pour les séries est radicalement différent de celui des networks8Les saisons des séries du câble comptent moins d’épisodes et sont le plus souvent mises en boîte avant la diffusion du premier épisode. Les séries de network sont quant à elles généralement produites au fil de l’eau, ce qui permet d’en interrompre la production en cas d’audiences inférieures aux attentes..

En revanche, sur les networks justement, la promesse est séduisante ou tout au moins intrigante.
A titre personnel, j’ai de plus en plus de mal à m’engager sur de nouvelles séries de network car j’ai le sentiment que la plupart entre (ou va entrer) beaucoup trop facilement dans l’une des catégories suivantes :

  • Formula show.
  • Annulée trop vite sans conclusion satisfaisante.
  • Va durer bien au delà du raisonnable.
Matthew McConaughey dans True Detective
Matthew McConaughey dans True Detective

Il est assez rare de voir une série de network se terminer au moment où elle le devrait pour la bonne et simple raison que la logique des exécutifs est de rentabiliser ce qui fonctionne jusqu’à la corde (je schématise mais il n’y a vraiment pas beaucoup de contre-exemples en dehors du câble).
Du coup, du point de vue du téléspectateur, les anthologies seraient la promesse d’histoires complètes et potentiellement plus satisfaisantes sur les networks… Mais côté production, cela demanderaient vraisemblablement plus de moyens (pas de possibilité d’amortir les décors d’une saison sur l’autre par exemple, probable nécessité d’augmenter les dépenses marketing) sans aucune garantie de succès pour les raisons évoquées plus haut.
Le côté évènementiel de ce genre de projets pourrait présenter un intérêt en terme d’image, tout particulièrement dans un contexte dans lequel les chaînes ne vont pas pouvoir longtemps éviter de repenser leur modèle face à l’évolution rapide et drastique de la manière dont les téléspectateurs consomment les contenus télévisuels mais, même à ce titre, j’avoue rester assez sceptique.

Les années à venir nous montrerons si American Horror Story et True Detective marquent le début d’une nouvelle vague(lette) ou s’ils resteront des projets à part dans le paysage télévisuelle.

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    Matthew McConaughey a obtenu un Oscar mérité pour son rôle dans Dallas Buyers Club mais on peut se demander dans quelle mesure le buzz autour de sa prestation dans True Detective a pu peser au moment des votes.
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    La prestation de Harrelson est également très convaincante mais son rôle de passif-agressif est nettement moins spectaculaire que le Cohle incarné par McConaughey.
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    Le principal reproche que l’on peut formuler à True Detective concerne le caractère assez unidimensionnel de ses personnages secondaires.
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    Cary Fukunaga sera producteur exécutif sur la seconde saison ce qui lui assure un gros chèque mais ne garantit nullement son implication réelle.
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    Paradoxalement, c’est son plus gros morceau de bravoure technique qui me laisse le plus perplexe avec le recul. En effet, son plan séquence de 6 minutes dans l’épisode 4 a beau être une sacrée prouesse, il reste finalement assez vain bien qu’il illustre parfaitement le budget luxueux dont la série a bénéficié.
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    C’est d’ailleurs dans les catégories relatives aux mini-séries que FX a proposé American Horror Story aux Emmy Awards.
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    La plupart des fans de Dexter ont détesté les dernières saisons de la série, mais ont néanmoins regardé la série jusqu’au bout… On pourrait sans doute dire la même chose de How I Met Your Mother. Deux exemples qui illustrent bien la grande force du format classique de séries TV qui en cas de succès parvient à créer un lien extrêmement fort et durable avec le téléspectateur.
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    Les saisons des séries du câble comptent moins d’épisodes et sont le plus souvent mises en boîte avant la diffusion du premier épisode. Les séries de network sont quant à elles généralement produites au fil de l’eau, ce qui permet d’en interrompre la production en cas d’audiences inférieures aux attentes.