Il y a quelques mois, je vous présentais Sick Beard, un logiciel qui se proposait de chercher et télécharger les nouveaux épisodes de vos séries favorites.
Je ne vais pas revenir sur les questions de légalité qui l’entoure, je me contenterai simplement de rappeler que ce type d’outils répond à une forte demande que l’offre légale n’adresse toujours pas aujourd’hui.
L’arrogance des grands pontes de Netflix qui vont jusqu’à revendiquer le fait de ne pas proposer de mode permettant de regarder leurs contenus hors ligne – pour un visionnage dans les transports en commun par exemple – laisse penser que le chemin à parcourir est encore colossal1Leur argument étant que nous sommes trop stupides pour comprendre comment nous en servir.
A noter tout de même que Canalplay propose un mode hors ligne depuis décembre 2014 tandis qu’Amazon Prime Video (qui reste pour le moment limité au marché américain) s’y est mis le mois dernier..
Bref, revenons au sujet qui nous intéresse aujourd’hui.
Si Sick Beard n’a rien perdu de son efficacité, il souffre néanmoins d’une ergonomie sérieusement datée, à tel point qu’il est pratiquement inutilisable sur un écran de smartphone et assez peu optimisé pour les interfaces tactiles en général2Sick Beard a clairement été développé pour les navigateurs de bureau et n’a jamais véritablement cherché à combler cette lacune depuis..
J’ai néanmoins envie de rebondir sur un point sur lequel je suis moins optimiste que Sullivan :
(…) La très grande abondance de la production télévisuelle me semble un phénomène appelé à se pérenniser. En cela, la série ne fait que rejoindre le reste de la production culturelle. Il est impossible de lire tous les romans qui paraissent en France – encore moins si on tentait de suivre en temps réel ceux qui paraissent à l’étranger – comme de voir tous les films qui sortent, ou d’écouter toute la musique qui est produite dans le monde. (…)
Sur le papier, j’ai envie de rejoindre cet argument. Cela dit, comme je l’évoquais cet hiver, je ne suis pas certain que le modèle économique actuel des séries soit vraiment en mesure de soutenir une telle abondance sur la durée.
En effet, les ventes de supports physiques poursuivent leur inexorable effondrement tandis que les plus jeunes (les fameux digital natives) regardent de moins en moins la télévision3Pour ne pas dire qu’ils ne la regardent tout simplement plus..
Deux tendances de fond qui n’ont aucune raison de s’inverser.
Parti pour rédiger un billet sur Engrenages1C’est donc partie remise pour l’excellente série de Canal+., je me suis retrouvé à écrire sur les séries policières et juridiques en général avant de déboucher sur les mutations en cours dans la consommation de séries…
Bref, désolé pour le caractère assez digressif de cet article :)
Qu’elle soit policière, juridique ou quelque part entres les deux, il existe deux grandes façons de construire une série judiciaire.
On peut s’appuyer sur un concept qui rythmera ses épisodes de manière quasi-immuable et qui tendra à les rendre indépendants les uns des autres ou au contraire construire une intrigue plus dense qui s’étalera sur plusieurs épisodes (idéalement une saison).
Kalinda Sharma (Archie Panjabi) et Alicia Florrick (Julianna Margulies) dans The Good Wife
La première catégorie a longtemps fait figure de norme mais semble un peu à bout de souffle aujourd’hui. Toutes ses représentantes ou presque injectent de plus en plus d’éléments feuilletonnants à leurs intrigues afin de donner au téléspectateur une raison supplémentaire de revenir épisode après épisode.
A mes yeux, actuellement, la plus grande réussite du genre est The Good Wife qui, bien qu’elle reste un procédural avec son affaire de la semaine (même si elle s’en dispense de plus en plus régulièrement ces derniers temps), parvient à développer une grande histoire depuis déjà six saisons. Sur un grand network avec plus de vingts épisodes à produire chaque saison, c’est tout de même une sacrée gageure !
Alors évidemment, la contre-partie de ce choix est que cela rend la série nettement moins accessible pour le téléspectateur occasionnel qu’une New York Police Judiciaire (Law & Order, qui – 25 ans après sa création – reste à mes yeux le maître étalon de la catégorie).
Chris Noth et Jerry Orbach à la grande époque de Law & Order / New York Police Judiciaire
Plutôt rare par le passé (je pense à Twin Peaks et Murder One2Deux séries qui après d’excellents démarrages se sont rapidement effondrées sur le plan des audiences.), l’alternative qui consiste à raconter une histoire se déroulant sur plusieurs épisodes s’est considérablement développée depuis une quinzaine d’années et ce, tout particulièrement sur les chaînes à péage qui peuvent plus facilement se permettre de perdre des téléspectateurs en cours de route si leurs séries restent encensées par la critique (on pense bien sûr à The Wire et à ses audiences anémiques sur HBO).
Plus récemment, une vague de thrillers européens a également donner un nouveau coup de fouet au genre (Forbrydelsen et son adaptation américaine The Killing; Bron et ses adaptations The Bridge et Tunnel; Broadchurch et son adaptation américaine et – bientôt – française; mais également Engrenages qui était précurseur de cette nouvelle vague dès 2005).
Le fait que la série judiciaire façon Law & Order ou Les Experts tende aujourd’hui à disparaître est à mon avis la conséquence de deux facteurs.
Tout d’abord, nous ne sommes plus dans les années 90 où, si vous aviez manqué un épisode, vous aviez bien peu de chance de pouvoir rattraper votre retard.
Aujourd’hui, entre les services de rattrapage des chaînes elles-mêmes, les services de streaming ou encore les sites de vidéos à la demande, il est de plus en plus simple de se mettre à jour.
Ensuite, j’ai le sentiment que la manière dont le grand public appréhende les séries a considérablement changé, au point que le téléspectateur moyen soit aujourd’hui bien plus prompt à s’engager sur une série que par le passé.
The Wire
Finalement, l’évolution de la série judiciaire illustre assez bien la période actuelle. La manière de consommer des séries est en pleine mutation, les services de Replay ont la côte et les services de vidéos à la demande sur abonnement (SVOD, tels que Canalplay ou Netflix) sont en pleine explosion.
L’offre n’a jamais été aussi riche et facile d’accès.
Dans ce contexte, les audiences des grands networks sont en berne car ceux-ci vivent toujours avec cette contrainte qui les oblige à réunir un maximum de téléspectateurs devant leur poste sur chaque case horaire3Un concept de case horaire qui, en dehors de grands événement ponctuels, est condamné tant il me semble évident que les enfants d’aujourd’hui n’y adhéreront jamais..
Par ailleurs, bien que cette pratique soit aujourd’hui utilisée avec plus de parcimonie, les annulations massives de programmes après seulement quelques semaines de diffusion que l’on a pu connaître par le passé ont beaucoup écorné l’image des networks auprès du public (et tout particulièrement auprès du public le plus susceptible de s’intéresser à des projets « différents »), ce qui tend mécaniquement à tirer leur production vers le plus petit dénominateur commun4Il y a bien sûr des exceptions mais le plus souvent celles-ci perdurent pour des raisons qui ont bien peu à voir avec les audiences (succès critique qui redore l’image de la chaîne, excellentes ventes à l’international…).
Les networks trouveront-ils des solutions pour nous offrir à nouveau des projets ambitieux ? Rien n’est moins sûr.
Espérons surtout que les services de SVOD (et accessoirement le piratage) ne siphonneront pas les abonnés des chaînes à péage afin que celles-ci conservent les moyens de produire toujours plus de bonnes séries.
S’il fallait compter sur les seuls services de SVOD pour produire des contenus de qualité, le monde des séries serait bien triste…
Le risque à moyen terme me semble réel car la mutation entamée n’en est qu’à ses balbutiement et les réponses annoncées par HBO notamment5La chaîne va enfin proposer une option d’abonnement 100% en ligne. risquent de ne pas être suffisantes pour convaincre le grand public car, même si le montant des abonnements peut se justifier, il va devenir de plus en plus difficile de convaincre le grand public d’accepter de payer 10 à 20$/€ pour chaque chaîne Premium lorsque les acteurs de la SVOD propose un catalogue pléthorique pour seulement 8,99$/€.
Pas sûr qu’il soit évident de faire comprendre au (télé)spectateur lambda que la qualité du catalogue futur des acteurs de la SVOD est directement conditionnée par la production des autres acteurs.
Sarah Lund (Sofie Gråbøl) dans Forbrydelsen
L’industrie audiovisuelle restera en crise tant qu’elle ne proposera pas une alternative globale au piratage.
Les services de SVOD sont un début de réponse mais ils ne peuvent en aucun cas rester la seule réponse.
En effet, en admettant qu’un Canalplay ou un Netflix soit en mesure de proposer une offre quasi-exhaustive dont la profondeur pourrait rivaliser avec ce que propose l’offre illégale, cela impliquerait que les chaînes qui produisent l’écrasante majorité des séries actuelles soient devenues obsolètes.
Si tel était le cas, la production viendrait immanquablement à se tarir.
Tout l’enjeu est donc de trouver une solution qui permette au public d’accéder simplement (et bien sûr légalement) à une offre riche et complète tout en garantissant la qualité et la diversité de la production.
Voilà une problématique d’une complexité abyssale. Le temps presse et les acteurs du secteur vont devoir y répondre de manière pertinente et efficace.
1
C’est donc partie remise pour l’excellente série de Canal+.
2
Deux séries qui après d’excellents démarrages se sont rapidement effondrées sur le plan des audiences.
3
Un concept de case horaire qui, en dehors de grands événement ponctuels, est condamné tant il me semble évident que les enfants d’aujourd’hui n’y adhéreront jamais.
4
Il y a bien sûr des exceptions mais le plus souvent celles-ci perdurent pour des raisons qui ont bien peu à voir avec les audiences (succès critique qui redore l’image de la chaîne, excellentes ventes à l’international…)
5
La chaîne va enfin proposer une option d’abonnement 100% en ligne.
Sick Beard est un logiciel assez extraordinaire qui offre aux fans de séries la possibilité de totalement lui déléguer la recherche, le téléchargement ainsi que le rangement des nouveaux épisodes de séries télé dans la foulée de leur diffusion.
Comment ça marche ?
Une fois installé sur votre ordinateur ou votre NAS (le logiciel est multi-plateforme), vous devrez indiquer à Sick Beard la méthode que vous souhaitez utiliser pour télécharger vos nouveaux épisodes, vous aurez le choix entre Usenet1Si vous choisissez Usenet (les fameux newsgroups), n’hésitez pas à vous tourner vers l’excellent client libre et gratuit SABnzbd. et BitTorrent.
Ensuite, vous indiquerez au logiciel quelles sont les séries que vous suivez et dans quelle qualité vous souhaitez les obtenir (SD, 720p, 1080p…).
Difficile d’esquiver longtemps la question du piratage sur un blog Séries dont la note d’intention promet de parler de nouvelles technologies.
Plutôt que d’éluder la question, autant l’aborder dès à présent, l’objectif n’étant évidemment pas de faire l’apologie du piratage mais plutôt d’essayer de comprendre pourquoi celui-ci tient une telle place chez les amateurs de séries.
Tous pirates ?
Le fait est que le nombre de français1La situation est similaire un peu partout dans le monde. qui regarde des séries télé en quasi direct de leur diffusion originale a explosé depuis une décennie et, même si je ne dispose pas de statistiques sur le sujet, je peux vous dire sans trop prendre de risque que l’écrasante majorité le fait sans passer par des services de VoD officiels.
Est-ce à dire que cette majorité d’amateurs de séries en VO à la source n’est finalement qu’une bande de pirates totalement irrécupérables ? Pas si vite.
Pour commencer, la vraie majorité est patiente et attend les diffusions officielles à la télévision avec un accès à la VO un peu moins facilité2Heureusement, la Version Multilingue s’est démocratisée depuis l’avènement de la TNT. et surtout des diffusions souvent erratiques voire tout simplement inachevées. Autant de situations qui convertissent chaque jour de nouveaux adeptes au téléchargement (ou au streaming) dit illégal puisque l’offre légale reste largement inadaptée à la demande croissante de séries au plus près de leur diffusion originale.
Une offre légale anémique
L’offre légale a le mérite d’exister entre les chaînes de télévision (Canal+ Séries, OCS…), les supports physiques (DVD et Blu-ray) et les offres de streaming (iTunes, MyTF1 VOD, Canalplay VOD…) mais, malheureusement, aucune de ces alternatives adoubées par les studios ne propose le dixième (le centième ?) du choix, de la qualité et de la facilité d’utilisation offerte par l’offre illégale.
La télévision
Les chaînes françaises grands publics sont assez timides en matière de diffusion de séries télévisées des lors que l’on s’éloigne des formula shows et, TF1, la chaîne leader sur le marché diffuse le plus souvent ses séries de manière totalement anarchique (désordre chronique, hiatus prolongés… J’en passe et des meilleurs).
Le bilan des autres chaînes n’est guère plus glorieux, même Canal+ – pourtant payante – maltraite certaines de ses séries en se permettant de les mettre en hiatus en plein milieu de saison comme elle a pu le faire avec Scandal.
La censure et les coupes arbitraires sont fréquentes sur TF13Quelques exemples sont disponibles sur les séries Law & Order sur LawAndorder-fr. mais, là encore, les chaines payantes4Les coupes sont parfois le fait des distributeurs qui proposent dans certains cas une version allégée à l’internationale (auquel cas, la version DVD/Blu-ray sera souvent affectée également). ne sont pas épargnées par le phénomène comme l’illustre la diffusion récente de l’ovni britannique Utopia sur Canal+ Séries.
À côté de cela, il n’est pas non plus rare de voir une série tout simplement déprogrammée5Quelle frustration que de découvrir qu’une série dans laquelle on s’est investi est subitement déprogrammée. par son diffuseur faute d’audience.
Le cœur du problème est que rien n’a véritablement changé dans les rythmes de diffusion des séries depuis les années 90, il faut ainsi s’armer de patience pour découvrir les derniers épisodes de ses séries favorites et, le plus souvent, bien malin qui pourra prédire quand la dernière saison de telle ou telle série sera enfin proposée.
Il y a bien quelques exceptions avec OCS notamment mais ce que cette dernière propose en matière de séries en quasi direct de leur diffusion originale est tellement restreint que cela en devient presque anecdotique6Sans même parler du caractère ultra confidentiel de la chaîne (Edit: La chaîne compte tout de même 1,6 million d’abonnés comme le signale Nicolas dans les commentaires). (c’est un peu l’exception qui confirme la règle en somme).
Finalement, les chaînes de télévision conservent surtout un réel intérêt en matière de séries pour leur production originale qui comporte régulièrement quelques perles (Engrenages dont chaque saison est plus réussie que la précédente, Les Revenants qui s’exporte bien ou encore Un Village françaisqui est un joli succès critique).
Les supports physiques (DVD et Blu-ray)
Les supports physiques sont intéressants dès lors qu’il s’agit de conserver une série que l’on a aimé (le Blu-ray et sa qualité à couper le souffle est clairement tout indiqué pour cette fonction), mais il ne sont pas sans présenter un certain nombre d’inconvénients.
Le premier est la conséquence d’un choix des éditeurs (et sans doute d’accords avec les chaînes de télévision) mais il est particulièrement problématique sur les séries. La sortie des coffrets n’intervient la plupart du temps que plusieurs mois après la diffusion française de la série. Autant dire, une éternité après la diffusion originale et, pour ne rien arranger, il est bien souvent ardu de prédire à l’avance si et quand tel ou tel coffret va sortir.
Pour couronner le tout, la plupart des séries ne sont éditées qu’en DVD, un format largement inférieur à celui de la diffusion HD de la télévision, ce qui est tout de même un comble.
Par ailleurs, les DRM règnent en maître.
Vous avez acheté votre coffret et vous payez une taxe pour copie privée sur vos disques durs, smartphones, tablettes, DVD vierges ?
Étrangement, rien ne vous permet de bénéficier légalement de vos épisodes sur autre chose que votre lecteur DVD ou Blu-ray. Plus fort encore, impossible d’éviter les avertissements du FBI lorsque vous insérez la galette que vous avez chèrement acquise dans votre lecteur.
Sans même parler de la question de l’obsolescence des supports physiques qui comme le CD pour la musique sont condamnés à disparaître dans un futur pas si éloigné, on voit bien que ceux-ci ne constituent de toute façon pas une option digne de ce nom pour suivre ses séries favorites en quasi direct de leur diffusion originale.
Les offres de streaming/VoD
Crédit: Skye Gould/Business Insider
Même si c’est sans doute ce qui se rapproche le plus aujourd’hui d’une réponse adaptée à la demande, on reste encore bien loin du compte.
Le premier problème des offres de streaming et de vidéo à la demande est évidemment la profondeur de leur catalogue qui est extrêmement limité en matière de séries en cours de diffusion.
Vous voulez suivre The Good Wife, Homeland ou encore Banshee en quasi direct des USA ?
Et bien c’est dommage, aucun service ne vous le propose.
Vous vouliez voir la fin de Breaking Bad au moment de sa diffusion américaine ?
Dommage encore, aucune solution ne la proposait.
En admettant que l’offre se densifie, d’autres problèmes font que l’écosystème actuel n’est pas près de s’imposer comme une solution réellement adaptée à la demande.
Tout d’abord, l’offre est extrêmement atomisée. Les offres de VoD sont nombreuses, indépendantes et leurs catalogues ne se recoupent pas, il est donc impératif de jongler entre les différents services. C’est bien simple, chaque studio propose son propre service ce qui rend l’offre totalement illisible pour le consommateur.
Bref, n’espérez pas faire un choix en fonction de la qualité du service offert…
Autre problème, ces différents services ne proposent pas d’abonnements donnant accès à l’ensemble de leur catalogue à l’heure actuelle (corrigez-moi si je me trompe).
L’amateur de séries se trouve donc condamné à débourser au minimum 1,99€ pour louer le moindre épisode.
Cela peut paraître peu, mais rappelons qu’une série de network compte en moyenne 22 épisodes, cela nous amène tout de même à pratiquement 45€ pour pour la seule location d’une saison de série.
Ce principe de location est également un problème car, les fichiers étant bardés de DRM, pas question de regarder l’épisode comme bon vous semble, vous êtes contraint de passer par la plateforme propriétaire du service utilisé.
Et n’imaginez évidemment pas revoir l’épisode quelques jours, semaines ou mois plus tard sans repasser à la caisse.
À l’évidence, il reste encore un sacré chemin à parcourir sur le front de la VoD pour rendre l’offre véritablement alléchante pour les fans de séries.
Netflix, un nouvel espoir ?
Oui, cette image issue du Daredevil de Netflix a été ajoutée bien après la publication de l’article ;)
On parle régulièrement d’une arrivée prochaine de Netflix dans l’hexagone bien qu’il soit évident que la France ne figure pas parmi les priorités de ce géant du streaming ne serait-ce que du fait de toutes les contraintes légales qui encadrent la diffusion des films (chronologie des médias en tête).
Ceci dit, en pénétrant le marché français, Netflix pourrait mettre un énorme coup de pied dans la fourmilière en proposant enfin des offres incluant différents catalogues même si on peut aisément imaginer que les acteurs en place ne simplifieront pas la tâche à un nouvel entrant sur le marché lors des négociations pour l’obtention des différents contenus.
Par ailleurs, il est également très peu probable que Netflix parvienne à proposer massivement des séries en quasi direct de leur diffusion originale car, là encore, les acteurs historiques (à commencer par les chaînes) ne ménageront pas leurs efforts pour l’éviter.
Le précédent de l’industrie musicale
Crédit: Gentside.com
La situation en matière d’accès aux séries fraîchement diffusées n’a que très peu évolué durant la dernière décennie tandis que la technologie a fait un bon en avant assez considérable.
L’industrie et les studios n’ont jamais remis en question leur modèle économique malgré les expériences du passé et tout particulièrement après l’édifiant précédent de l’industrie musicale qui s’est notamment longtemps obstinée à mettre des DRM sur les morceaux vendus au format numérique.
Une contrainte dont ne s’embarrassaient pas les pirates et qui a largement contribué à populariser le téléchargement illégal (franchement, pourquoi payer pour avoir quelque chose de moins bien ?).
Fort heureusement, l’industrie du disque a fini par réaliser son erreur et à la rectifier. Aujourd’hui, la vente de musique numérique se fait quasiment exclusivement sans DRM.
Par ailleurs, plus récemment, de nouvelles façons de consommer la musique se sont développées avec des acteurs tels que Deezer, Spotify ou encore Rdio.
Même si la musique y est à nouveau protégée par des DRM, la profondeur des différents catalogues (des millions de titres incluant la plupart des nouveautés7Certains artistes choisissent néanmoins de ne pas faire figurer leur albums sur ses services (c’est notamment le cas de Thom Yorke, le leader de Radiohead).) est telle que s’abonner à un seul de ces services (pour une dizaine d’euros par mois) est suffisant.
La différenciation se fait sur les services proposés autour des catalogues (applications bureau, tablettes et mobiles; fonctionnalités de découverte…), ce qui favorise une saine concurrence entre les différents acteurs.
Ces services peinent encore à atteindre la rentabilité et les montants qui finissent dans les poches des artistes restent encore faibles mais ces deux problèmes devraient progressivement se résorber à mesure que de plus en plus d’utilisateurs se tourneront vers ces plateformes et leur permettront d’atteindre une taille critique.
L’accès aux séries TV en France a dix ans de retard et ne semble jusqu’à présent tirer aucun des enseignements de l’expérience de la dématérialisation de la musique.
Toutes les clés sont pourtant là, espérons que l’industrie se décide rapidement à en faire bon usage car en attendant, l’offre illégale prospère.
De vilains pirates et de gentils studios ?
Crédit: Le Monde
Mais qui sont donc ces vilains pirates qui nous permettent de voir les derniers épisodes en palliant à l’incapacité chronique des studios à nous proposer les solutions légales dont nous rêvons ?
Et bien la réponse est très simple, pour l’essentiel, il s’agit de passionnés.
Il ne faut d’ailleurs pas s’y tromper, si des intermédiaires gagnent effectivement de l’argent grâce à l’offre illégale, ce ne sont pas ceux qui mettent à disposition les épisodes ni ceux qui réalisent des sous-titres pour ceux-ci.
Ceux-là même qui nous permettent de voir les épisodes à chaud dans la foulée de leur diffusion originale doivent les enregistrer, couper les publicités, encoder le résultat, le mettre à disposition, en réaliser une traduction ou encore synchroniser les sous-titres avec le son (ces différentes actions étant généralement réalisées par des personnes différentes).
Des tâches particulièrement chronophages réalisées gracieusement par et pour la communauté.
En effet, l’objectif est bien de proposer quelque chose que l’on ne peut pas trouver autrement, un produit quasi parfait (si si !) que vous pouvez regarder sur l’appareil de votre choix et conserver si vous le souhaitez.
Autant de choses que l’offre légale a choisi de ne pas nous proposer.
Alors bien sûr tout n’est pas rose, certains intermédiaires ne se privent pas de faire de l’argent plus ou moins directement sur ce travail communautaire (via la publicité sur des sites de streaming non officiels et les sites de liens Torrent ou encore au travers d’abonnements sur des services de Direct Download et d’accès à Usenet8Ces abonnements et la publicité peuvent se justifier au moins en partie par les coûts d’exploitation des infrastructures techniques qui supportent ces services.).
Force est de constater que la demande est énorme et que des gens se donnent beaucoup de mal pour y répondre (et je n’ai même pas parlé de tous les sites et logiciels qui gravitent autour de ce petit monde9Rassurez-vous, cela fait partie des sujets que je souhaite aborder sur SerieTech.).
Pourtant, étrangement, ces gens qui se donnent du mal pour satisfaire la demande ne sont pas les studios. Non, ceux-là semblent au contraire totalement ignorer et négliger le phénomène comme s’ils n’avaient pas conscience que plus l’éclosion de vraies offres légales innovantes se fera attendre, plus la situation sera difficile à faire évoluer.
Prôner la seule répression face au piratage est un non sens absolu.
Il est en revanche urgent de proposer une réponse pertinente à la demande parfaitement légitime que cache le piratage. Une conclusion qui semble assez évidente, pourtant les acteurs majeurs du secteur peinent encore à en prendre toute la mesure.
1
La situation est similaire un peu partout dans le monde.
2
Heureusement, la Version Multilingue s’est démocratisée depuis l’avènement de la TNT.
3
Quelques exemples sont disponibles sur les séries Law & Order sur LawAndorder-fr.
4
Les coupes sont parfois le fait des distributeurs qui proposent dans certains cas une version allégée à l’internationale (auquel cas, la version DVD/Blu-ray sera souvent affectée également).
5
Quelle frustration que de découvrir qu’une série dans laquelle on s’est investi est subitement déprogrammée.
6
Sans même parler du caractère ultra confidentiel de la chaîne (Edit: La chaîne compte tout de même 1,6 million d’abonnés comme le signale Nicolas dans les commentaires).
7
Certains artistes choisissent néanmoins de ne pas faire figurer leur albums sur ses services (c’est notamment le cas de Thom Yorke, le leader de Radiohead).
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Ces abonnements et la publicité peuvent se justifier au moins en partie par les coûts d’exploitation des infrastructures techniques qui supportent ces services.
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Rassurez-vous, cela fait partie des sujets que je souhaite aborder sur SerieTech.